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faire l’execution de ceste entreprinse. Et moy, estant à la chasse, je trouvay dix ou douze chevaulx avec armes, comme fit le guidon de monsieur le prince de Condé, qui en trouva quarante ou cinquante en ce mesme esquipage : qui estoit assez pour nous en faire croire quelque chose. Toutesfois le roy de Poloigne estant arrivé à Vitry, je ne faillis à luy dire tous les bruits qui couroient de luy. Il m’asseura qu’il n’en savoit rien, et que si j’estois en ce doubte-là de messieurs de Guise, je ferois bien de demeurer pres du Roy et l’aller retrouver à Nancy pour prendre congé de luy. Ce que la Royne me fit commander par le Roy, qui partit de Vitry pour aller à Chaalons, où j’allay avec luy. Estant là, je demanday congé, pour tenir la promesse que j’avois faicte au roy de Poloigne d’aller prendre congé de luy à Nancy ; ce qu’il me refusa, et me commanda que j’eusse à me tenir pres de luy.

Sept ou huit jours apres avoir esté à Chaalons, je sceus le despart du roy de Poloigne ; et me fut asseuré qu’à son dernier adieu il oublia la bonne chere et amitié qu’il m’avoit promise, et ne se souvint de vous rappeler, Madame, que vous m’eussiez en vostre protection ; mais au contraire vous recommande monsieur de Guise, afin que par vostre moyen il fust faict connestable. Ce que je ne voulois nullement croire. Mais estant Vostre Majesté de retour à Reims, vous me fistes une si maigre mine, et commençastes à avoir une telle desfiance de moy, que cela me fit penser qu’il en estoit quelque chose. En ce mesme temps monsieur de Thoré arriva, lequel ne fut seulement fasché de me voir en ceste peine ; mais continua à me dire que c’estoit chose trez certaine, que demeurant à la Court je n’y pouvois attendre que beaucoup de mescontentement, et que ma vie n’y estoit trop asseurée.

De là Voz Majestez allerent à Soissons, où vous continuastes encore plus les mesfiances que vous preniez de moy, sans vous en avoir donné une seule occasion ; qui m’estoit un extreme ennuy. Là, les capitaines des gardes commencerent à venir tous les jours cercher dans la chambre de monsieur le Duc et la mienne, et regarder dessoubs les lits s’il n’y avoit personne ; et commandastes qu’il ne cou-