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qu’à Voz Majestez, si ne craindray-je, devant ceste compagnie et toutes aultres personnes que vous trouverez bon, disant verité, vous faire paroistre mon innocence et la meschanceté de ceulx qui peuvent avoir menti de moy. Or afin que je commence des mon enfance à vous tesmoigner ma vie et mes effects passez, je vous diray, Madame, que le Roy mon pere et la Royne ma mere m’amenerent en l’aage de sept ans en vostre Court[1], afin de me rendre aussi affectionné à vous bien et fidelement servir, comme le Roy mon pere, qui n’a voulu aultre tesmoing de ce qu’il vous estoit que son sang et la perte de sa propre vie, laquelle fut bien courte pour moy, qui des lors demeuray soubs l’obeissance de la Royne ma mere. Laquelle continua de me faire nourir en la religion qu’elle tenoit. Et voyant qu’apres le decez du feu Roy mon pere, il falloit qu’elle me fist cognoistre et aimer de mes subjects, elle me voulut mener en ses pays. Ce qui fut faict à mon trez grand regret, me voyant esloigné du Roy et du roy de Poloigne, desquels (oultre ce que nos aages

  1. Il faut lire cinq ans. Voici le curieux passage de Favin sur ce premier voyage du jeune prince en cour : « Le roy Antoine, sa femme et le prince de Navarre leur fils, lors aagé de cinq ans, prince gaillard et beau par excellence..... vinrent trouver le Roy en la ville d’Amiens, où lors estoit la cour de France. Le Roy, voyant le prince de Navarre si gentil et disposts, resolut des lors de le faire nourrir aupres du roy dauphin François II ; et l’ayant embrassé et baizé plusieurs fois, luy demanda s’il vouloit estre son fils. Mais le petit prince luy respondit aussitost en son langage bearnez, se tournant vers son père : « Quet es lo seigne pay (Cestuy-cy est monsieur mon pere).... » Le Roy, prenant plaisir à ce jargon, luy demanda : Puisque vous ne voulez estre mon fils, voulez-vous estre mon gendre ? Il respondit promptement et sans songer : O bé (ouy bien.) Et des lors le Roy tres chrestien et les Roy et Royne de Navarre accorderent le mariage de leur fils avec madame Marguerite de France. » (Histoire de Navarre, t. XIV, année 1557, édit. de Paris, 1612, in-fol.)