Page:Henri Béraud - Le Martyre de l'obèse, 1922.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment, et, à ce moment-là, il se trouve toujours un sage pour dire, dans un silence apéritif et solennel : « Au travail on fait ce qu’on peut, mais à table on se force ! » Aussitôt l’assemblée s’empresse de suivre un avis si plein de raison.

Alors, le spectacle devient tout à fait magnifique. Au premier verre de Richebourg, toutes les têtes dodelinent avec une surnaturelle gravité. C’est qu’au lieu du pâle Anjou et du petit Vouvray dont se contentent les faux gourmets de Paris, le vin de rubis, lampant et nerveux, rayonne dans les petits verres, dont nos gros doigts saisissent délicatement le pied. Après cela et jusqu’à l’heure des chansons tout se passe en silence, car les gens qui savent manger savent qu’il faut aussi se taire en mangeant.

Au dessert c’est autre chose. Toutes les figures s’éclairent, d’un coup, comme une guirlande de lanternes vénitiennes obéissant au commutateur d’une rayonnante et unanime gaîté. Voilà le plus