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gnais de la blesser davantage, lui écrirais-je pour lui apprendre la vérité. Elle ne la comprendrait point. Ne vaut-il pas mieux qu’elle me croie un peu fou ? C’est toujours, au demeurant, la punition de ceux qui se montrent trop raisonnables.

Maintenant, monsieur, nous allons nous séparer, pour toujours. Je ne viendrai plus m’asseoir à votre côté. Quel regret pour moi. Voici l’heure, justement, où votre café des Trois-Maures me plaisait le mieux. Il ne reste, sur les banquettes en ottomane, que des personnages bien sympathiques.

Tel est ce fumeur que l’on voit de profil, et qui semble gonfler un ballon bleu ; tels sont, à la table infernale, entre les colonnes, les coqs de la ville, ces trois jeunes gens qui dévisagent, avec une naïve hardiesse, les voyageuses de passage, les belles inconnues. Telles sont encore vos deux patientes courtisanes : Emma, qui, avec une extase d’oie gavée, écoute parler son ami, l’adjudant ; et Margot, aux bandeaux poétiques, qui boit de