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Une heure plus tard, le train nous emportait vers la mer. Le mari était sur nos talons. Mais, par chance, nous trouvâmes place sur un courrier d’Extrême-Orient qui relâchait pour quelques heures à Port-Saïd. À l’instant où l’on relevait la passerelle une victoria, attelée de deux chevaux qu’un arbagui fouettait et injuriait, fit son entrée sur le quai Halbas-Hilmi. Notre homme s’y tenait debout, furieux, sa valise à bout de bras. La voiture s’arrêta près du bord, au milieu des bruns portefaix. Déjà le navire virait avec lenteur. D’un coup d’œil, l’animal nous reconnut parmi les passagers alignés tout au long des bastingages. Jamais, depuis des mois, nous ne nous étions entreregardés de si près : trois mètres d’une eau huileuse et profonde nous séparaient, mais le bateau enroulant ses amarres mouillées se trouvait aussi loin de lui que si, déjà, nous touchions à Syracuse. Il était hors de sens, comme enragé. Il dansait d’un pied sur l’autre en criant de toutes ses forces. Je crois bien que je