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Je répète à dessein les paroles sacrées :

J’avais faim et vous ne m’avez pas donné à manger…

Plus ces paroles sont familières, plus elles sont terribles.

Que de choses formidables ! Cette faim et cette soif sont plus effrayantes qu’une armée rangée en bataille.

Celui-là aime de tout son esprit qui aura su le deviner.

Le visiteur qui entre à Rome dans la chambre du Tasse, s’étonne de penser que le poète, dont la mémoire est richement célébrée, fut pauvre pendant sa vie. Son étonnement est une leçon profonde, dont devrait profiter le genre humain. Il y a, dans la morale, des vérités universellement reconnues et si habituellement rappelées, qu’elles sont devenues ce que la rhétorique appelle des lieux communs. Elles sont devenues des sujets de composition. Il y a des clichés d’imprimerie qui servent pour ces vérités-là.

Il y a, dans la morale, d’autres vérités beaucoup plus oubliées des hommes. Il me semble que les vérités de cette seconde espèce crient comme des abandonnées. Elles n’ont pas place au soleil de la morale répétée, classée, habituellement lue et écrite. Parmi ces vérités que le genre humain déserte et pour lesquelles la conscience humaine a des surdités étranges, en voici une, la justice envers les vivants : Il faut rendre justice aux vivants. Au premier abord, cette vérité semble telle-