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la bander. Cet homme saura manier l’élément comique, au lieu d’être sa dupe : il faudra une grande tendresse et une grande pureté de cœur. Il faudra aussi une main très légère, pour ne pas blesser les malades. Il faudra un esprit élevé pour circonscrire le comique dans les régions qui sont à lui. Il faudra une grande puissance pour féconder cette terre stérile.

Considérée dans sa cause et d’une façon abstraite, la passion est comique parce qu’elle est au fond un quiproquo, un malentendu. La conversation de deux hommes qui causeraient dans la nuit sans se reconnaître, ne sachant pas à qui ils ont affaire, se prenant pour d’autres, et se donnant des noms qui ne leur appartiennent pas, cette conversation pourrait être très comique. Or cette supposition se vérifie dans le langage des passions humaines. L’homme passionné se trompe sur le nom, sur la nature, sur la qualité, sur la valeur de la personne ou de la chose qui est l’objet de sa passion.

Il parle dans la nuit et apostrophe, par des noms qui ne leur conviennent pas, les objets inanimés contre lesquels il se heurte : de là un malentendu qui peut donner lieu aux combinaisons les plus étranges. La passion est féconde en effets de ce genre. Comme elle tend par sa nature à adorer une personne, elle sent la nécessité de soustraire cette personne, à la nature humaine, et fait pour la diviniser des efforts qui sont comiques, parce qu’ils ont