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Homère ne domine pas seulement la poésie cyclique, la tragédie grecque et la poésie latine (s’il est permis de prononcer ce dernier mot) : il domine la prose grecque : il est le maître d’Hérodote. Hérodote raconte l’histoire à la façon d’Homère. Il est brillant comme lui, naïf et superficiel comme lui dans les termes.

Homère a tout mêlé, le Destin, les dieux, les hommes, les peuples.

Eschyle a représenté le Destin en lutte avec l’Humanité elle-même. Prométhée est sa conception typique. Eschyle ne peint pas telle ou telle passion. Il décrit à grande traits une lutte immense qu’il ne connaît pas bien. Il ne voit que de loin et à travers un nuage le sujet du drame qu’il écrit. Il a entendu dire que l’homme a tenté quelque chose contre la divinité, et qu’a-t-il tenté ? Il n’en sait rien. Il croit que l’homme est puni. Le sera-t-il toujours ? Il n’en sait rien, mais il le pense, car sa divinité, c’est la Fatalité, la Déesse souveraine et souverainement inexorable.

Eschyle a entendu l’écho lointain de traditions défigurées. Eschyle ne regarde ni le malheur des individus ni le malheur des peuples ; il contemple le malheur de l’Humanité. Il est plus élevé qu’Homère et moins accessible que lui. Plus épique que tragique, il ne se sert du théâtre que par occasion. Il a bâti de ses mains le théâtre grec, mais ses yeux regardaient ailleurs. Les titres de ses œuvres suffiraient pour en indiquer la nature. Le