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mun entre les héros, car le style est l’expression de notre parole individuelle. Le style de la tragédie classique est officiel et impersonnel. Il craint de nommer la matière, parce qu’il ne la croit pas noble, et parce que la passion isolée du héros ne suppose que l’existence d’une héroïne isolée et ne suppose pas l’existence de la matière. Il craint de nommer Dieu pour une foule de raisons, pour cette raison, entre autres, que la passion isolée du héros abstrait ne se rattache en rien à l’infini.

Dans l’homme, la passion, par cela même qu’elle est en rapport et par conséquent en lutte avec d’autres éléments, éléments de vie ou éléments de mort, est intermittente, ou du moins rémittente : elle triomphe, combat ou succombe. Dans tous les cas, elle n’est qu’un accident de la vie humaine ; le fond qui la supporte, c’est un homme vivant ; sa vie est distincte de sa passion, peut se concevoir en dehors de sa passion, l’a précédée, et peut lui survivre.

Dans le héros tragique, la passion, par cela même qu’elle est isolée, n’est pas un accident, elle est la substance même. Le héros n’existant pas, sa passion n’est supportée par rien ; aussi le héros n’est pas, comme l’homme, susceptible de se modifier, de se démentir. L’homme peut être accidentellement amoureux (je prends ce mot dans le sens où le prennent les théâtres) ; l’homme peut être accidentellement traître. Britannicus, au contraire, n’étant pas un homme amoureux, mais