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désir vague qui, trop large pour se poser sur un seul objet, trop lâche pour se prendre à l’infini, se prend à tout et ne se fixe à rien : voilà René, Obermann, etc.

Mais voici la raison de ce phénomène, le mot de l’énigme, la clef de ce siècle.

Dans la philosophie, le dix-neuvième siècle a rejeté, comme indigne de lui, l’idolâtrie vulgaire, l’ancienne idolâtrie, l’idolâtrie d’un être ; mais n’ayant pas le courage d’adorer l’Être lui-même, et de substituer l’adoration à l’idolâtrie, parce que l’adoration est une vertu, il a pris le parti d’adorer tous les êtres ; il a demandé à la création entière la monnaie de l’infini, que la création n’a pu lui donner, parce qu’elle ne contient pas l’infini : il s’est jeté dans le panthéisme.

Ce qui est arrivé à l’esprit du dix-neuvième siècle est arrivé à son cœur. Ses sentiments, ne pouvant plus se borner à un être fini, et ne voulant monter jusqu’à l’Être infini, se sont lancés dans l’espace pour tâcher d’adorer toutes choses successivement ou simultanément, tantôt en se réunissant sur un objet, tantôt en se promenant sur tous les objets. Quel est donc le secret du dix-neuvième siècle ? Le secret de ses passions est le même que celui de sa philosophie.

C’est le panthéisme.

Le panthéisme est la forme savante de l’idolâtrie. Or, comme le dix-neuvième siècle est raffiné, raffiné dans ses sentiments et raffiné dans ses idées, il a remplacé la vieille ido-