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déprécie du même coup ce qui est vraiment admirable.

Ainsi l’idolâtrie contemporaine déprécie Shakspeare parce qu’elle l’adore. Elle déprécie le Roi Lear, parce qu’elle exalte Roméo et Juliette.

La confusion qu’elle établit entre ce qui est beau et ce qui ne l’est pas, a tous les inconvénients. Elle est injuste envers le mal, car elle lui enlève les moyens de se redresser ; elle est injuste envers le bien, car elle le confond avec le mal.

Les idolâtries littéraires contiennent toujours, parmi leurs erreurs, une grande somme d’insultes ; l’insulte suprême est celle que M. Hugo a adressée à Shakspeare, le jour où il a déclaré d’une voix solennelle qu’il l’admirait tout entier, comme une brute.

Il est vrai qu’il s’est insulté lui-même au même moment ; mais la seconde injustice ne répare pas la première. M. Hugo n’est pas une brute !

Le fait d’admirer Shakspeare tout entier, par cela même qu’il se déclare brutal, contient mille enseignements. La brute vraie n’admire rien. Mais celui qui s’appelle brute, par injustice et pour s’insulter, admire tout. C’est par là qu’il essaye, mais en vain, de mériter son injure.

L’injustice qui englobe Shakspeare tout entier dans le même sentiment a donc deux faces. Elle exalte et elle rabaisse.

Nous avons essayé de réparer l’injustice qui