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chant sur ses lèvres ; car, en ce cas, sa douleur aspirerait vers une consolation, et son âme irait en haut. Mais parce qu’il est condamné à être toujours debout, Hamlet est condamné à ne pas chanter, et l’arrêt qui le condamne est juste en vérité.

On a écrit des volumes sur Hamlet, des volumes sur Shakspeare ; on a toujours senti que le dernier mot n’était pas dit, et il ne pouvait pas l’être. Cette porte ne pouvait être ouverte que par la clef qui ouvre tout.

Il faut avoir la notion de l’enfer, telle que le christianisme, qui possède les secrets de tous les abîmes, peut seul la donner, pour connaître le vrai nom de Shakspeare.

Tous ses drames ne sont qu’un drame, et l’attrait de l’abîme d’en bas est la force qui met en mouvement ce drame, ce drame unique et entier. Il reste les débris d’une gigantesque nature ; mais cette nature a perdu ses droits sur la joie et sur la musique.

Où donc irait-il chercher l’harmonie ou les larmes, ce mystifié hautain et sec, autour de qui les morts semblent encore vivants, et les vivants semblent déjà morts ?

Dans sa vie intérieure, il parodie le recueillement ; dans sa vie extérieure, la justice ; dans l’une et l’autre, la profondeur. Mais on ne trompe pas l’œil clairvoyant. Hamlet n’a pas de droits sur la musique, et la musique le sait bien, elle qui est faite pour consoler.

Si Hamlet ne chante pas, qui donc chantera dans ce drame ? Sera-ce la reine ? Il ne