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sphinx, et jamais on n’y voyait une goutte d’eau, quoique mainte larme y eût coulé.

Jardin maudit ! Ah ! il n’y avait pas là une seule place où mon cœur n’eût été torturé, où mes yeux n’eussent versé des pleurs.

Non, en vérité, il n’y avait pas un seul arbre à l’ombre duquel je n’eusse essuyé des outrages, tantôt d’une bouche délicate et tantôt d’une bouche grossière.

Le crapaud, aux aguets dans l’herbe, a tout raconté à la taupe, qui aussitôt a rapporté à sa tante la vipère ce qu’elle venait d’apprendre.

La vipère l’a dit à sa belle-sœur la grenouille, et c’est ainsi que toute la sale engeance a pu savoir immédiatement les affronts que j’avais reçus.

Les roses du jardin étaient belles, et il y avait dans leurs parfums des séductions charmantes ; mais elles se flétrirent vite, et elles moururent rongées par un poison étrange.

Depuis lors, une maladie mortelle a frappé aussi le rossignol, le noble chanteur de la nuit, qui chantait son amour à ces roses. Je crois qu’il a pris du même poison.

Jardin maudit ! Oui, c’était comme si une malédiction pesait sur lui. Maintes fois, en plein soleil, j’avais peur de voir apparaître des fantômes.