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Douze danseurs y dansent, sans trêve ni repos, en se tenant solidement par la main, et quand une danse est finie, une autre recommence de plus belle.

La musique de danse me bourdonne à l’oreille : « La plus belle des heures ne recommence jamais ; toute ta vie ne fut qu’un rêve et cette heure-ci n’aura été qu’un rêve dans ton rêve. »

Le rêve avait fui, dans le matin gris ; mon œil aussitôt regarda la rose : Ô malheur ! Au lieu de la vive lueur, c’était un froid insecte que contenait le calice !




SONNETS

TROIS SONNETS
POUR GUILLAUME SCHLEGEL
[1]


1

Le ver le plus nuisible : le doute qui vous ronge ! le poison le plus funeste : le manque de confiance en soi-même, tout cela était sur le point de tarir en moi la sève de la vie ; j’étais un arbrisseau, dépourvu de soutien.

Tu le pris en pitié, ce pauvre arbrisseau ; tu le laissas s’appuyer à ta bonne parole ; et si jamais la débile petite plante se couvre de fleurs, ô mon grand maître, c’est toi qu’il me faudra remercier.

Oh ! puisses-tu lui conserver ainsi ta sollicitude pour que, devenu arbre, il orne un jour le jardin de la belle fée qui t’a élu pour favori.

Dans ce jardin, racontait ma nourrice, on entend des accents d’une merveilleuse douceur ; les fleurs parlent et les arbres chantent.

  1. Heine fut, à l’Université de Bonn, l’élève de cet homme célèbre, l’un des chefs du romantisme allemand. — (Note des éditeurs.)