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À UNE CANTATRICE QUI CHANTAIT
UNE VIEILLE CHANSON

Je pense encore au jour où, pour la première fois, j’ai rencontré la magicienne ! À ses accents mélodieux qui s’insinuaient dans mon cœur, des larmes coulèrent sur mes joues, — je ne savais pas ce qui m’arrivait.

Un rêve descendit en moi : j’étais encore petit enfant ; tranquillement assis au clair de la lampe dans la chère chambrette de ma mère, je lisais des contes merveilleux ; au dehors, la nuit et le vent.

Voilà les contes qui revivent ; les chevaliers sortent de leur tombe ; au val de Roncevaux, on se bat. Sire Roland est à cheval ; beaucoup de braves lui font escorte, et malheureusement aussi le traître Ganelon.

C’est lui, le traître, qui prépare à Roland une couche. Celui-ci baigne dans le sang, presque sans respiration ; à peine si le bruit de son cor a pu venir à l’oreille du grand Charles que déjà le voilà qui trépasse — et mon rêve mourut avec lui.

Une rumeur confuse m’arrachait à mon rêve. La légende était terminée ; les gens battaient des mains et criaient des bravos sans fin ; la cantatrice fit une révérence profonde.


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LA CHANSON DES DUCATS

Dites, mes ducats d’or, qu’êtes-vous devenus ?

Êtes-vous chez les petits poissons d’or qui nagent dans le ruisseau vif et gai ?

Êtes-vous chez les petites fleurs d’or qui, sur la verte et riante pelouse, étincellent de la rosée du matin ?