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Avec des roses, des cyprès et des paillettes d’or, je voudrais orner amoureusement ce livre ainsi qu’un reliquaire, et y déposer mes lieder.

Oh ! si je pouvais y mettre aussi mon amour ! Sur la tombe de l’amour croît la fleurette de paix, c’est là qu’elle s’épanouit et c’est là qu’on la cueille, mais elle ne fleurira pour moi que quand je serai mort.

Ils sont là maintenant ces lieder qui, jadis, comme un fleuve de lave surgissant de l’Etna, s’échappaient de mon âme profonde en lançant autour d’eux de claires étincelles.

Ils sont là silencieux, semblables à des morts, raidis par la froidure et pâles comme la brume. Mais que l’esprit d’amour vienne à planer sur eux, alors leur ancienne ardeur se ranime.

Et dans mon cœur des pressentiments se lèvent : un jour l’esprit d’amour versera sur eux sa rosée ; un jour ce livre te tombera dans les mains, ma douce bien-aimée, en quelque lointain pays.

Alors le charme magique du lied sera rompu : les pâles lettres te regarderont ; suppliantes, elles te regarderont dans tes beaux yeux, et, douloureuses, elles chuchoteront avec le souffle de l’amour.


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Délicieuse jeune fille si belle et si pure, à toi, à toi seule, je voudrais dédier ma vie.

Tes doux yeux sont comme un clair de lune ; tes mignonnes joues vermeilles ont des clartés de roses.

Et entre tes lèvres, on croit voir une rangée de perles. Mais l’écrin de ta poitrine cache une perle plus belle encore.

Ce ne peut être qu’un pieux amour qui m’a pris le cœur quand je t’ai naguère aperçue, jeune fille délicieuse !