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Lorsque la main du sort l’eut séparée de son glorieux époux, Mumma ne mourut pas de chagrin ; le désespoir ne la consuma pas.

Non, au contraire, elle continua joyeusement la vie, dansa comme devant, faisant des courbettes au public pour en être applaudie.

Elle a fini par trouver une bonne position, une retraite assurée pour le reste de ses jours, à Paris, au Jardin des Plantes.

Dimanche dernier, j’y étais allé avec Juliette ; je lui expliquais l’histoire naturelle, les plantes et les bêtes.

La girafe et le cèdre du Liban, le grand dromadaire, le zèbre, les faisans dorés et le bouc à trois jambes.

Un magnifique ours sauvage de la Sibérie, blanc comme la neige, folâtrant par trop tendrement avec une ourse brune.

Et c’était Mumma, la veuve d’Atta Troll ! Je la reconnus à l’éclat humide de ses yeux.

Oui, c’était elle ! Elle, la brune fille du midi, elle, la Mumma, vit maintenant avec un Russe, un barbare du Nord !

Un nègre qui s’était approché de nous me dit en souriant : « Y a-t-il un plus beau spectacle que la vue de deux amoureux ? »

À qui ai-je l’honneur de parler ? lui répliquai-je étonné. Mon interlocuteur s’exclama : — Ne me reconnaissez-vous donc pas ?

Je suis le roi nègre de M. Freiligrath qui jouait si bien du tambour chez les saltimbanques allemands. À cette époque-là, je ne faisais pas de bonnes affaires. — Je me trouvais bien isolé en Allemagne.

Mais ici, où je suis placé comme gardien, où je revois les plantes de mon pays, avec des tigres et des lions,

Ici je me trouve plus heureux que dans vos foires tudesques,