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Et je me disais : — Que signifie donc ce signe de tête mystérieux ? Pourquoi m’as-tu regardé si tendrement, belle Hérodiade ?


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Le soleil se lève et lance ses flèches d’or aux blanches nuées, qui se teignent de rouge comme si elles étaient blessées, et s’évanouissent après dans la lumière.

Enfin la lutte cesse, et le jour pose en triomphateur ses pieds rayonnants sur la nuque de la montagne.

La gent bruyante des oiseaux gazouille dans des nids cachés, et une odeur de plantes et de fleurs s’élève comme un concert de parfums.

Nous étions descendus dans la vallée aux premières heures du jour, et, pendant que Lascaro suivait la piste de son ours, je restais seul, las et triste.

Las et triste, je m’assis enfin sur un moelleux banc de mousse. C’était sous ce grand chêne, au bord d’une petite source, dont le murmure et le clapotement m’ensorcelèrent tellement, que j’en perdis presque la raison.

Je me pris d’un désir effréné pour le monde des rêves, pour la mort et le délire, et pour ces belles amazones que j’avais vues dans le défilé des esprits.

Ô douces visions des nuits qu’effarouche l’aurore, dites, où êtes-vous enfuies ? Dites, où vous cachez-vous pendant le jour ?

Sous les ruines d’un vieux temple, au fond de la Romagne, on dit que la déesse Diane se retire pendant le règne diurne du Christ.

Ce n’est que dans les ténèbres de minuit qu’elle se hasarde à sortir et à se livrer au plaisir de la chasse avec ses compagnes réprouvées.

La belle fée Habonde aussi a peur des dévots nazaréens, et elle passe tout le jour dans son sûr asile d’Avalun, l’île fortunée.