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proie d’un seul maître, de l’homme, et il parle alors de droits de possession, de propriété.

Propriété, droits de possession ! Ô vol, ô mensonge ! L’homme seul a pu inventer un pareil mélange de ruse et d’absurdité.

La nature n’a pas créé de propriété, car tous, oui tous, nous venons sans poche au monde, sans poche sur l’épiderme.

Aucun de nous tous n’a, de naissance, de pareils petits sacs sur le corps, inventés pour recéler les vols.

L’homme seul, cet être nu qui se fit avec art un vêtement de laine étrangère, sut aussi, avec le même art, se procurer des poches.

Une poche ! c’est aussi peu naturel que la propriété et les droits de possession. Les hommes ne sont que des filous qui empocheraient les étoiles du ciel.

Je les hais avec une légitime fureur ! Mon fils, je veux te transmettre cette haine ; ici, sur cet autel, jure haine éternelle au genre humain.

Sois l’ennemi implacable de ces vils oppresseurs, leur ennemi implacable jusqu’à la fin de tes jours. Jure, jure ici, mon fils !…

— Et le jeune ours jura. C’était un ténébreux et meurtrier serment, semblable à celui que jadis jura Annibal, fils d’Amilcar, le rancunier Carthaginois. La lune éclaira de sa lueur blafarde et sinistre le vieux dolmen et les deux misanthropes.

Un jour, nous dirons comment le jeune ours tint fidèlement son serment. Notre lyre le chantera dans une prochaine épopée.

Quant à Atta Troll, nous l’abandonnons également, mais pour le retrouver plus tard et plus sûrement au bout de notre fusil.

Va, ton affaire est faite. Tu es accusé du délit d’exciter à la haine et au mépris du gouvernement des hommes… Demain nous t’appréhenderons au corps.