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Sa barbe, qui descend jusqu’à terre, est rouge comme le feu. Par moment il remue la paupière, d’autres fois il fronce le sourcil.

Dort-il ou médite-t-il ? c’est ce que l’on ne peut savoir. Mais quand l’heure sonnera, il secouera fortement sa léthargie séculaire.

Il saisira le fidèle drapeau et criera : « À cheval, à cheval ! » Son peuple de cavaliers s’éveillera et se lèvera avec un bruit d’armures

Chacun s’élance sur son cheval qui hennit et bat du pied. Ils chevauchent à travers le monde, et les trompettes résonnent.

Ils chevauchent bien et se battent bien. Ils ont fini leur sommeil. L’empereur rend une justice sévère ; il tient à punir les assassins.

Les assassins qui ont mis à mort la belle Germanie, la princesse à la blonde chevelure. — Soleil, flamme accusatrice !

Plus d’un qui se croit à l’abri, et qui rit caché dans son château, n’échappera pas à la potence, à la colère de Barberousse.

Comme ils résonnent doucement à mon oreille les contes de la vieille nourrice ! Mon cœur superstitieux chante à tue-tête : « Soleil, flamme accusatrice ! »


15

Il tombe une petite pluie fine et froide, comme des pointes d’aiguille. Les chevaux remuent tristement la queue, et pataugent dans la boue et suent.

Le postillon donne du cor. Je connais ce vieil air : « Trois cavaliers sortent de la ville. » Tout devient si vaporeux, si confus dans mon âme.

J’eus sommeil et je m’endormis ; et voyez ! je rêvai à la fin que je me trouvais dans la montagne merveilleuse auprès de l’empereur Barberousse.