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Mme Birch-Pfeiffer boirait de la térébenthine, comme jadis les dames romaines (vous savez que c’était pour parfumer — vous savez quoi).

Raumer ne serait pas un barbouilleur allemand ; ce serait un scribe romain. Freiligrath ferait des vers sans rime, comme jadis Flaccus Horatius.

Le grossier mendiant, père Jahn, porterait fièrement la toge puante. — Me hercule ! Massmann parlerait latin et s’appellerait Marcus Tullius Massmannus !

Les martyrs de la vérité se prendraient aux cheveux dans les arènes avec les lions, les hyènes et les chacals, au lieu d’avoir affaire avec des chiens dans les petits journaux.

Nous aurions un seul Néron à cette heure, au lieu de trois douzaines de pères de la patrie. Nous nous couperions les veines pour faire la nique aux valets du despotisme.

Schelling prendrait un bain comme un Sénèque et finirait au moins comme un philosophe. Nous dirions à notre illustre peintre Cornélius : Cacatum non est pictum.

Dieu soit loué ! Hermann a gagné la bataille ; les Romains furent défaits. Varus périt avec ses légions, et nous sommes restés Allemands.

Nous sommes restés Allemands ; et nous parlons Allemand. L’âne s’appelle âne et non asinus, les Souabes sont restés Souabes.

Raumer est resté un barbouilleur allemand. Freiligrath rime et n’est pas devenu un Horace.

Dieu soit loué ! Massmann ne parle pas latin. Mme Birch-Pfeiffer ne fait qu’écrire des drames et ne boit point de la térébenthine, comme les dames galantes de Rome.

Ô Hermann ! voilà ce que nous te devons ; c’est pourquoi, comme bien tu le mérites, on t’élève un monument à Detmoldt ; j’ai souscrit moi-même pour cinq centimes.