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Et toujours s’avançait derrière moi cette sombre figure avec sa hache cachée. Nous marchâmes ainsi longtemps.

Nous allons, nous allons jusqu’à ce qu’enfin nous parvenions à la place de la Cathédrale. Les portes en étaient toutes ouvertes. Nous entrons.

Dans l’immense nef régnaient seuls la mort, le silence et la nuit. Çà et là brillaient quelques lampes, pour mieux montrer les ténèbres.

Longtemps je suivis le long des piliers ; j’entendais seulement le bruit des pas de mon compagnon ; là aussi il ne me quittait point d’un instant.

Nous arrivâmes enfin dans un endroit, étincelant de la lumière des cierges et tout rayonnant d’or et de pierreries : c’était la chapelle des rois Mages.

Les trois rois qui reposent d’ordinaire dans le silence et l’immobilité, ô miracle, ils étaient alors assis sur leurs sarcophages.

Comme des mannequins ils remuaient leurs os morts depuis longtemps, qui sentaient à la fois la putréfaction et l’encens.

L’un d’eux ouvrit même la bouche et me tint un très long discours. Il cherchait à me démontrer comment il méritait mon respect :

D’abord 1o en qualité de mort, puis 2o en qualité de roi, et enfin 3o en qualité de saint. Tout cela ne m’émut pas beaucoup.

Je lui répondis en riant : mort, roi, saint — Je vois qu’à tout titre tu appartiens au passé.

Allons, pauvres sires, sortez d’ici ; rentrez dans la tombe ! c’est la place qui vous convient. La vie réclame maintenant les trésors de votre chapelle.

La joyeuse Cavalerie de l’Avenir doit s’établir ici. Et si vous ne partez pas de bon gré, j’emploierai la force, et je vous rosserai d’importance.