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Croyez-moi, il n’y en a pas de pire dans la bibliothèque de Satan. — Ils sont plus dangereux que ceux de ce pauvre lapin Hoffmann de Fallersleben.

Un voyageur, qui se trouvait près de moi, me fit remarquer que j’avais devant les yeux maintenant le Zollverein prussien, la grande chaîne des douanes.

Le Zollverein, disait-il, fondera notre nationalité ; c’est lui qui fera un tout compact de notre patrie morcelée.

Il nous donne l’unité extérieure, l’unité matérielle ; la censure nous donne l’unité spirituelle, l’unité vraiment idéale.

Elle nous donne l’unité intime, l’unité de pensée et de conscience. Il nous faut une Allemagne une et unie, unie à l’extérieur et à l’intérieur.


3

À Aix-la-Chapelle, sous le vieux dôme est enseveli Charlemagne. (Il ne faut pas le confondre avec le poétereau Charles Mayer qui vit en Souabe).

J’aimerais peu être mort et enseveli, même avec le titre d’empereur, à Aix, sous la sainte chapelle. Combien je préférerais vivre tout petit poète à Stuttgard, sur le bord du Neckar.

À Aix-la-Chapelle, les chiens s’ennuient dans les rues, et ont l’air de vous faire cette humble prière : — Donne-moi donc un coup de pied, ô étranger ! peut-être cela nous distraira-t-il un peu.

J’ai flâné une petite heure dans ce trou ennuyeux. C’est là que je revis l’uniforme prussien ; il n’est pas beaucoup changé.

Ce sont toujours les manteaux gris avec le col haut et rouge. (Le rouge signifie le sang français, chantait autrefois Kœrner dans ses dithyrambes guerriers.)

C’est toujours le même peuple de pantins pédants, — c’est toujours le même angle droit à chaque mouvement, et sur le visage la même suffisance glacée et stéréotypée.