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Frêle roseau, sable qui n’es que poussière, flot qui t’écoules, je ne veux plus me fier à vous ! Le ciel devient plus sombre et mon cœur plus farouche. D’une poigne vigoureuse, dans les forêts de Norvège, j’extirperai le sapin le plus haut ; puis je le tremperai dans le cratère enflammé de l’Etna et, de cette plume gigantesque imbibée de flammes, sur la voûte noire du firmament, je tracerai ces mots : « Agnès, je t’aime ! »

Et les lettres de feu flamboieront ineffaçablement chaque nuit, et la postérité transportée d’allégresse lira ces mots écrits sur le ciel : « Agnès, je t’aime ! »


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DANS LA CABINE PENDANT LA NUIT


La mer a ses perles, le ciel a ses étoiles, mais mon cœur, mon cœur, mon cœur a son amour.

Grande est la mer et grand le ciel, mais plus grand est mon cœur, et plus beau que les perles et les étoiles brille mon amour.

À toi, jeune fille, à toi est ce cœur tout entier ; mon cœur et la mer et le ciel se confondent dans un seul amour.

À la voûte azurée du ciel, où luisent les belles étoiles, je voudrais coller mes lèvres dans un ardent baiser et verser des torrents de larmes.

Ces étoiles sont les yeux de ma bien-aimée, ils scintillent et m’envoient mille gracieux saluts de la voûte azurée du ciel.

Vers la voûte azurée du ciel, vers les yeux de la bien-aimée, je lève dévotement les bras, et je prie et j’implore.

Doux yeux, gracieuses lumières, donnez le bonheur à mon âme ; faites-moi mourir, et que je vous possède, vous et tout votre ciel.

Là-haut, des yeux du ciel, des étincelles d’or tombent en tremblant dans la nuit, et mon âme se dilate, agrandie par l’amour.