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5

La nuit est moite et orageuse ; pas une seule étoile au ciel. Dans la forêt bruissante, je marche silencieux.

Dans la maison solitaire du garde, vacille une petite lumière ; ce n’est pas elle qui m’y attirera ; il y fait trop triste.

La grand’mère aveugle est assise dans un fauteuil de cuir ; maussade, immobile comme une statue, elle ne dit pas un seul mot.

Le fils du forestier, qui a les cheveux roux, va et vient en maugréant ; il accroche sa carabine à la muraille et, furieux, éclate méchamment de rire.

La belle filandière pleure et mouille le chanvre de ses larmes ; à ses pieds le chien du père se blottit en gémissant.


6

Lorsqu’en voyage, par hasard, je rencontrai la famille de ma bien-aimée, sa petite sœur, son père et sa mère, ils m’accueillirent avec joie.

Ils me demandèrent de mes nouvelles, et me dirent tout aussitôt que je n’avais pas du tout changé, bien que mon visage fût pâle.

Je m’informai des tantes et des cousines, de maint fastidieux compagnon et du petit chien qui jappait si gentiment.

Je m’informai également de ma bien-aimée, qui est aujourd’hui mariée, et l’on me répondit aimablement qu’elle était en couches.

Aimablement, je leur adressai mes félicitations ; et les priai en balbutiant de la saluer mille et mille fois bien affectueusement de ma part.

À ce moment la petite sœur s’écria : « Le gentil petit chien, il a grandi et il est devenu enragé ; alors on l’a jeté dans le Rhin. »