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Là-haut, merveilleusement belle, la plus belle vierge est assise ; sa parure d’or étincelle ; elle peigne ses cheveux d’or.

Elle les peigne avec un peigne d’or, tout en chantant une chanson, d’une mélodie enivrante et funeste.

Le batelier dans sa barquette, pris d’un égarement farouche, ne voit plus les récifs du fleuve ; son regard est rivé là-haut sur la montagne.

Je crois qu’à la fin les vagues engloutissent batelier et bateau ; et c’est la Lorelei qui a causé cela avec sa chanson.


3

Mon cœur, mon cœur est triste ; pourtant le gai mois de mai brille ; adossé à un tilleul, je me tiens sur le vieux bastion.

À mes pieds, silencieuse et paisible, coule l’eau bleue des fossés de la ville ; un enfant sur une barque pêche à la ligne en sifflotant.

Plus loin, formant un gai tableau, villas et jardins, hommes et bœufs, prairies et bois s’offrent à ma vue.

Les servantes étendent le linge et s’ébattent sur le gazon. La roue du moulin fait voler une poussière de diamant ; j’entends son lointain murmure.

Sur l’antique tour grise, il y a une guérite devant laquelle fait les cent pas un gaillard habillé de rouge.

Il joue avec son fusil qui étincelle au soleil ; il présente son arme et l’épaule… Je voudrais qu’il m’étendît mort.


4

Je vais dans le bois et je pleure. La grive, au dessus de moi, sautille et chante aimablement : « Pourquoi as-tu de la peine ? »

Tes sœurs, les hirondelles, pourraient te le dire, ma petite ; elles ont habité de petits nids tout près des fenêtres de ma bien-aimée.