Page:Hegel - Philosophie de la nature, trad. Vera, tome 1, 1863.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet égard, Hégel serait inférieur à Schelling. Comme si systématiser n’était pas l’œuvre la plus difficile, la plus profonde et la plus originale de l’esprit ! Comme si ordonner les membres épars de la connaissance, les enchaîner les uns aux autres, les embrasser dans une vaste unité, à l’aide d’un principe et d’une méthode supérieurs, leur communiquer une valeur et un sens qu’ils n’avaient point, y faire pénétrer une vie nouvelle et les transformer, comme si tout cela, disons-nous, n’était pas la plus puissante et la plus haute des créations ! Et qu’est-ce qui fait la beauté de l’univers, qu’est-ce qui en fait l’œuvre à la fois la plus simple et la plus profonde, si ce n’est la forme et l’unité systématiques de ces parties ? Sans doute, les doctrines de Kant, de Fichte, de Schelling, ou, pour mieux dire, toutes les philosophies sont un antécédent et un antécédent nécessaire de la philosophie de Hégel[1] ; mais elles le sont comme l’Orient est un antécédent de la Grèce, comme Pierre Pérugin, Montagna, etc., sont les antécédents de Raphaël, comme Tycho-Brahé, Copernic et Galilée sont les antécédents de Kepler ou de Newton. Est-ce à dire que la Grèce n’est qu’une simple répétition de l’Orient, et que Raphaël, Kepler et Newton ne sont pas des esprits créateurs ? Nul ne s’aviserait d’émettre une pareille opinion. Le génie vraiment créateur, et surtout le génie philosophique, n’est pas, en effet, le génie révolutionnaire qui renie le passé et brise avec la tradition, mais celui qui admet la tradition et les

  1. Voy. notre introduction à la Philosophie de Hégel, chap. I, p. 25 et suivantes, et notre livre l'Hégélianisme et la Philosophie, chap.IV.