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encore plus, s’il est possible, que leur exiguïté. En effet, il fallait qu’il fût bien grand, car il se servait pour bâton d’un sapin de huit pieds de circonférence. Un Pygmée favorisé de la vue la plus longue pouvait à peine apercevoir la tête du colosse sans le secours d’un télescope ; et parfois, lorsqu’il marchait au milieu d’eux par un temps de brouillard, on distinguait difficilement le haut de son corps ; ses deux jambes seulement étaient visibles à l’œil nu. Mais, par un beau soleil de midi, si l’atmosphère devenait limpide et transparente, le géant Antée présentait un spectacle vraiment sublime. Montagne à forme humaine, il fallait le voir se dresser de toute sa hauteur au milieu de ses petits frères, l’air souriant, et les contemplant avec complaisance de toute la largeur d’un œil unique qui, placé juste au milieu de son front et ayant les dimensions d’une roue de charrette, embrassait d’un seul regard la nation entière assemblée aux pieds du géant.

Les Pygmées aimaient à converser avec Antée. Cinquante fois par jour, les uns après les autres, ils levaient la tête tant qu’ils pouvaient et lui criaient de toutes leurs forces, en formant comme un portevoix avec le creux de leurs mains : « Oh ! oh ! frère Antée, comment cela va-t-il, mon camarade ? » Quand par hasard ces petites voix criardes parvenaient à ses oreilles, il leur répondait : « Pas mal,