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agi d’une traversée au terme de laquelle on devait trouver plaisir et bonheur. Malgré le caractère lugubre de cette expédition, je me demande si ces quatorze jeunes gens, affranchis de la surveillance et de la tutelle de personnes âgées, restèrent pendant tout le trajet en proie à la tristesse. Il y eut, je le soupçonne fort, quelques danses organisées sur le pont ; on entendit quelques éclats de rire, quelques saillies joyeuses, et plus d’une fois la jeune troupe se livra à des accès d’hilarité inopportune, jusqu’au moment où apparurent au milieu des nuages les pics élevés et bleuâtres de l’île de Crète. Cette vue dut certainement les rappeler à une gravité plus d’accord avec les circonstances. Thésée, debout au milieu des matelots, fixa ses regards attentifs du côté de la terre, dont l’apparence était aussi vaporeuse que les nuages au sein desquels les montagnes dérobaient leurs sommets. Une ou deux fois il s’imagina qu’il avait distingué dans le lointain un objet brillant reflété dans les flots.

« N’as-tu pas aperçu ce trait lumineux dans la mer ? demanda-t-il au maître d’équipage.

— Non, prince, mais j’ai déjà vu la même chose auparavant. C’est Talus, je suppose. »

Comme le vent devenait un peu plus fort, le marin, absorbé par la manœuvre des voiles, n’eut pas le temps de répondre à de nouvelles questions. On approchait de l’île, et Thésée fut saisi d’étonnement