Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quins. Ils dévoraient avec avidité des friandises et engloutissaient de copieuses rasades. L’ouvrage s’arrêtait à cette période de leur histoire. Bien entendu que la fameuse magicienne avait trop d’artifice pour découvrir à son noble visiteur toutes les perfidies que la puissance de ses charmes avait accomplies sur les infortunés gloutons.

« Et toi, noble seigneur, reprit Circé, si j’en juge par la dignité dont ta figure porte l’empreinte, tu ne dois pas être moins qu’un roi. Daigne suivre mes pas, je veux te traiter comme il convient à ton rang. »

Ulysse marcha derrière elle jusque dans le salon ovale où ses vingt-deux camarades s’étaient livrés aux excès de leur gourmandise, et où ils avaient subi une destinée si terrible. Mais, pendant tout ce temps, le héros n’avait cessé de tenir à la main la fleur à corolle de neige, et d’en respirer le parfum toutes les fois que Circé parlait. En traversant le seuil de l’entrée, il eut grand soin d’aspirer fortement l’odeur qu’elle exhalait. Au lieu des vingt-deux trônes rangés précédemment autour des murs, s’élevait cette fois au centre de l’appartement un trône isolé. Mais quel trône ! C’était assurément le siège le plus magnifique sur lequel se fût jamais reposé un roi ou un empereur ; il était d’or massif, artistement ciselé, enrichi de pierres précieuses, recouvert d’un coussin qu’on eut plutôt pris pour