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cet autre une tête de navet ; fouiller la terre avec leur groin partout où ils croyaient trouver quelque aliment. Dans leur étable, ils dépassaient en abjection les porcs les plus grossiers qu’eût jamais produits la nature : ils se mordaient les uns les autres en hurlant, piétinaient dans leur auge et avalaient gloutonnement ce qu’on y avait déposé. Quand tout avait disparu, ils s’entassaient dans une paille infecte et finissaient par s’endormir. S’il leur restait une ombre de raison humaine, cela leur suffisait juste pour se demander quand le boucher les égorgerait, ou quelle pourrait être la qualité de leur lard.

Cependant, comme je vous le disais tout à l’heure, Eurylochus attendait, attendait, attendait toujours dans le vestibule du palais, sans parvenir à comprendre ce qui était advenu à ses amis. Mais quand les éclats de voix que vous savez retentirent dans tous les appartements, et quand il vit l’image d’un porc remplir le bassin de marbre, il pensa que ce qu’il avait de mieux à faire, c’était de se rendre en hâte vers le vaisseau, et d’informer le sage Ulysse de ces prodigieux événements. Il descendit à toutes jambes le perron du château, et ne s’arrêta, hors d’haleine, qu’en parvenant au rivage.

« Pourquoi viens-tu seul ? lui cria le roi, du plus loin qu’il l’aperçut. Où sont tes vingt-deux compagnons ? »

À ces questions, Eurylochus éclata en sanglots.