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ques jours seulement après, ne sommes-nous pas tombés entre les mains du roi des Lestrygons ; et ses sujets, autres horribles géants, n’ont-ils pas dévoré plus de la moitié de nos amis ? Vous dirai-je toute ma pensée ?… Si nous nous rendons à ce palais, nous pouvons parvenir à la table du festin, ceci est indubitable. Mais, une fois là, serons-nous invités à nous y asseoir comme des convives bien accueillis, ou nous y servira-t-on nous-mêmes comme entremets ? Voilà une question digne d’être prise sérieusement en considération.

— N’importe, murmurèrent bon nombre des plus affamés ; cela vaudrait toujours mieux que de mourir d’inanition, surtout si on était sûr d’être d’abord bien engraissé, et ensuite délicatement rôti.

— C’est affaire de goût, dit Ulysse ; et, pour ma part, les soins les plus attentionnés et la cuisson la plus délicate ne me réconcilieraient jamais avec une telle perspective. Voici, en conséquence, ma proposition : divisons-nous en deux troupes d’égal nombre, et tirons au sort lesquels d’entre nous se rendront au palais pour demander assistance et nourriture. Si l’accueil est favorable, rien de mieux. Dans le cas contraire, si les habitants se montrent aussi inhospitaliers que Polyphème ou les Lestrygons, alors il n’y aura que la moitié de notre bande qui périra ; le reste pourra mettre à la voile et s’échapper. »