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Il ne cessait de s’en étonner lui-même. Chaque fois qu’il retraçait un de ces récits, il était frappé de voir avec quelle facilité ils s’adaptaient à la pureté enfantine de son auditoire. Les traits caractéristiques qui peuvent motiver des objections semblent consister dans le développement d’incidents qui n’ont aucun rapport essentiel avec la fable primitive. Ainsi les fictions dont nous parlons, sans nul effort outré du narrateur, se transforment et reprennent la vie et la couleur qu’elles avaient sans doute aux temps où le berceau du monde était exempt de toute souillure. Quand le premier poète ou le premier romancier déroula ces merveilleuses allégories (telle est l’opinion d’Eustache Bright), on en était à l’âge d’or. Le mal n’existait pas encore ; le chagrin, le malheur, le crime, étaient simplement des fantômes que l’imagination capricieuse se créait comme autant de contrastes à des réalités présentes ; c’étaient tout au plus des rêves prophétiques, auxquels l’auteur lui-même n’ajoutait aucune foi. Les enfants sont aujourd’hui les seuls représentants des hommes et des femmes de cette ère fortunée ; et, pour cette raison, nous devons élever notre intelligence et notre invention au niveau de l’enfance, afin de reconstituer les mythes originaux.