Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitants du voisinage évitaient soigneusement cet endroit, il s’était écoulé une longue période de temps (peut-être une centaine d’années) depuis que le monstre n’avait satisfait sa faim. On comprend sans peine que son appétit devait être énorme, et que les malheureux tombés en son pouvoir ne suffisaient pas pour le rassasier à moitié. En apercevant Cadmus, il fendit l’air d’un autre sifflement abominable, et rejeta en arrière ses immenses mâchoires. Sa gueule faisait l’effet d’une large caverne ensanglantée, au fond de laquelle apparaissaient encore les jambes de sa dernière victime engloutie d’un seul coup.

Mais Cadmus, ému seulement de la fin si cruelle de ses amis, ne se laissa pas épouvanter par cette gueule béante hérissée de mille dents aiguës. Tirer son glaive, pousser au monstre, et se précipiter dans ce gouffre hideux, fut l’affaire d’un moment. Cette ruse audacieuse triompha du dragon. En effet, Cadmus s’était élancé si profondément dans son gosier, que les rangées des terribles dents ne purent se refermer sur lui et ne lui firent pas le moindre mal. La lutte n’en fut pas moins épouvantable. Le monstre eut beau réduire en mille éclats les arbres du bosquet, dans les efforts convulsifs de sa queue, Cadmus continuait à hacher et à fouiller avec son glaive les entrailles du reptile. Le monstre crut encore pouvoir se débarrasser de son en-