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« Ah ! s’écria Midas avec effroi.

— Qu’avez-vous donc, mon père ? demanda Marie en le regardant avec étonnement et les yeux toujours baignés de larmes.

— Rien, mon enfant, rien ! fit Midas. Ne laissez pas refroidir votre lait. »

Il prit dans le plat une des petites truites si appétissantes, et, comme pour en faire l’expérience, en toucha la queue du bout du doigt. Il frémit quand, au lieu d’une truite admirablement préparée, il ne vit plus qu’un poisson d’or. Si au moins c’eût été un de ces poissons rouges conservés dans des globes de verre comme une curiosité de salon ! Mais non pas ; c’était bien du métal qu’on eût dit artistement ciselé par le plus habile orfévre du monde. Les arêtes s’étaient changées en filigrane d’or, les nageoires et la queue en plaques du même métal ; on y voyait jusqu’à l’empreinte de la fourchette, jusqu’à cette apparence de délicatesse et de légèreté d’une friture exécutée de main de maître. Un vrai chef-d’œuvre ! Mais, en ce moment, le roi Midas aurait mieux aimé une truite réelle dans son assiette que cette imitation d’un si grand prix.

« Je ne sais vraiment, pensa-t-il, comment je vais faire pour déjeuner ! »

Il prit un des petits gâteaux encore tout fumant, et, l’ayant à peine rompu, il le vit, à sa grande mortification, se colorer de la teinte jaunâtre de la pâte