Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, première partie, trad. Rabillon, 1858.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
61

celles d’un âne), le pauvre Midas n’aimait plus désormais que le son des piles d’écus.

Enfin (en vieillissant bien des gens deviennent plus fous, au lieu de se montrer plus sages), Midas avait perdu le sens commun, au point de ne vouloir supporter la vue ou le contact d’aucun objet, s’il n’était d’or. C’est pourquoi il avait pris l’habitude de passer la plus grande partie de ses journées dans un lugubre appartement situé sous les voûtes de son palais. C’était là qu’il gardait son trésor, et, toutes les fois qu’il sentait le désir de goûter un peu de bonheur, Midas se rendait dans ce sombre caveau, dont l’aspect ne valait guère mieux que celui d’une prison. Après en avoir soigneusement fermé la porte à clef, il prenait un sac rempli d’or, une coupe du même métal, un énorme lingot, ou un boisseau de poudre d’or, et l’apportait des coins obscurs de la chambre à l’unique rayon de soleil qui s’y glissait par une étroite meurtrière. Ce rayon lui était cher, mais simplement parce qu’il donnait à son trésor des reflets plus brillants et plus purs. Puis de vider son sac, d’en compter les écus, de jeter en l’air le lingot, et de le rattraper dans ses mains ; de tamiser la brillante poussière entre ses doigts ; de regarder sa fantastique image réfléchie dans le fond de la coupe, et de se dire tout bas : « Ô Midas, fortuné roi Midas, l’heureux mortel que tu fais ! »