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d’un pareil monstre ? Elles avaient le cœur si tendre, qu’elles frémissaient à l’idée de voir ce beau jeune homme si généreux s’exposer à de tels dangers, et se dévouer au supplice certain de servir de pâture aux cent gueules voraces du dragon.

« Retournez sur vos pas, s’écrièrent-elles ; retournez dans votre patrie ! Si vous revenez sain et sauf, votre mère versera des larmes de joie. En ferait-elle davantage après un si grand triomphe ? Qu’importent les pommes d’or ? Qu’importe ce roi, votre cruel cousin ? Nous, nous ne voulons pas que vous soyez dévoré par le dragon aux cent têtes ! »

Mais il semblait écouter avec impatience leurs bienveillants avis. Il leva, sans y faire attention, sa puissante massue, et la laissa retomber à ses pieds sur un rocher à demi enseveli dans la terre. Ébranlé par ce coup donné avec insouciance, le rocher fut réduit en poussière. Il n’en coûta pas à l’étranger plus d’effort pour exécuter cet acte de géant, qu’il n’en fallait à l’une des jeunes filles pour effleurer d’une rose le satin des joues de sa compagne.

« Ne pensez-vous pas, dit-il, qu’un tel choc aurait écrasé une des cent têtes du dragon ? »

Puis il s’assit, sur le gazon, et leur raconta l’histoire de sa vie, depuis le jour où il s’était vu bercer dans le bouclier d’airain d’un guerrier. Un matin