Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Oui, pensait douloureusement Hepzibah, dont les yeux s’humectaient peu à peu, c’est sa mère qu’ils ont persécutée en lui !… Jamais ils n’ont pu en faire un Pyncheon ! »

Ici, la clochette du magasin retentit, et du fond de ses réminiscences sépulcrales, ce fut tout au plus si Hepzibah prit garde à ce bruit qui lui semblait venir de régions lointaines. Dans la boutique elle trouva un vieillard, l’un des plus humbles habitants de Pyncheon-street, et qui, depuis longues années, grâce à la tolérance de la vieille fille, s’était impatronisé de la maison. C’était un individu, pour ainsi dire, immémorial, dont la tête semblait toujours avoir été blanche, dont les rides dataient des temps les plus reculés, et dont l’unique dent, sur le devant de la mâchoire supérieure, n’avait jamais eu de compagne connue. Tout âgée que fût Hepzibah, elle ne pouvait se rappeler un temps où elle eût vu l’Oncle Venner (ainsi l’avait baptisé le voisinage) descendre ou remonter la rue autrement que les épaules voûtées, la tête en avant et le pied traînant sur les pavés. Il devait cependant à un reste de vigueur, non-seulement de vivre encore, mais d’occuper, dans cet univers qu’on pourrait croire encombré, une place qui sans lui aurait été vide. Porter des messages, avec cette allure lente et pénible qui donnait à douter de son arrivée n’importe où, scier çà et là une brassée de bois, mettre en pièces un vieux tonneau, fendre une planche de sapin pour en faire des brochettes, bêcher en été quelques mètres de jardin annexés à un rez-de-chaussée économique et prendre pour salaire la moitié des produits de ce travail, enlever à la pelle, pendant l’hiver, la neige des trot-