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fance, Hepzibah ne lui avait vu plus de relief et une expression plus frappante. Le contour précis, — la substance physique, pour ainsi dire, — se dérobant aux yeux du spectateur, la physionomie même de l’homme, cette physionomie assurée, dure et empreinte en même temps de quelque fausseté, semblait n’en ressortir que davantage. C’est là un effet qu’on a pu remarquer dans quelques tableaux d’ancienne date. Ils ont une expression qu’aucun artiste tant soit peu complaisant, — et ils le sont tous, — n’oserait présenter à un de ses patrons comme reflétant fidèlement la pensée, l’âme de celui-ci ; mais nous n’en reconnaissons pas moins pour authentique la laideur morale dont ils trahissent le mystère jadis voilé. Ceci tient à la conception profonde du peintre, qui a deviné l’âme à travers les traits de son modèle ; cette conception, subtile essence, a pénétré son travail, et se retrouve après que le temps en a détruit en partie le coloris superficiel.

Tout en regardant ce portrait Hepzibah se sentait trembler. Son respect héréditaire ne lui permettait pas d’apprécier le caractère de l’original aussi sévèrement qu’elle s’y sentait appelée par l’instinct d’une vérité inexorable. Elle regardait, cependant, parce que le visage peint, — du moins l’imaginait-elle ainsi, — la mettait à même de mieux comprendre, de deviner mieux l’énigmatique visage qu’elle venait de voir passer dans la rue.

« Voilà bien l’homme ! se disait-elle tout bas. Jaffrey Pyncheon peut sourire tant qu’il lui plaira, mais derrière son sourire il y a ce regard. Mettez-lui ce chapeau à forme ronde, ce rabat plissé, ce manteau noir, cette Bible dans une main, cette épée dans l’autre, et,