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si prononcé, que la clochette rudement ébranlée communiqua ses vibrations émues aux nerfs de la pauvre Hepzibah. Survint aussi une ménagère du voisinage, grosse personne échauffée, tumultueuse, hors d’haleine, qui se précipita dans le magasin, demandant de la levure de bière avec l’accent le plus impérieux ; et lorsque, gardant son attitude de timidité glaciale, la pauvre demoiselle eut laissé entendre « qu’elle ne tenait pas un pareil article, » la ménagère émérite prit sur elle de lui administrer un véritable sermon.

« Comment donc, pas de levain chez un détaillant ? s’écria-t-elle… Jamais vous ne vous en tirerez comme ça ; cela ne s’est jamais vu… Votre commerce ne lèvera pas plus que mon pain ne va le faire aujourd’hui… Mieux vaudrait fermer boutique tout de suite.

— Peut-être avez-vous raison, » dit Hepzibah comprimant un profond soupir.

À chaque instant se renouvelait ce supplice, — et c’en était un, — de s’entendre parler sur un ton familier, — sinon positivement brutal, — par des gens qui désormais ne se regardaient plus comme ses égaux, mais comme ses supérieurs et ses patrons. Hepzibah n’avait pas compté là-dessus ; il lui semblait qu’une sorte d’auréole aristocratique survivrait à sa déchéance et lui vaudrait, de la part de tous, une espèce de subordination volontaire et tacite. D’autre part, — expliquez cela ! — rien ne la blessait plus que cet hommage à son ancien rang lorsqu’il était indiscrètement accentué. L’accueil qu’elle fit à deux ou trois manifestations sympathiques dont certains officieux ne crurent pas pouvoir s’abstenir, fut empreint d’une sorte d’acrimonie ; nous regrettons d’avoir à dire qu’Hepzibah ou-