Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enseignerait à la vieille Hepzibah bien des choses que la vieille Hepzibah ne pourrait pas enseigner à l’enfant. C’est ainsi que, — nonobstant maint frisson de cœur, à l’idée de ce contact sordide avec un monde dont elle s’était toujours tenue à l’écart, chaque jour de retraite ajoutant pour ainsi dire une pierre à celles qui bouchaient l’entrée de son ermitage, — la pauvre créature fut amenée à se rappeler l’ancienne boutique sur la rue, les balances rouillées, le coffre-fort poudreux. Elle eût pu sans doute tenir bon quelques mois encore, mais sa décision fut précipitée par un incident dont nous n’avons pas encore parlé. En conséquence, elle fit ses préparatifs et l’entreprise allait débuter.

Oui, nous devons en convenir, tandis qu’elle disposait son magasin de façon à capter les regards du public, l’attitude de cette vierge surannée était souverainement ridicule. Elle se rapprochait de la fenêtre furtivement, sur la pointe des pieds, comme si elle avait cru à l’existence de quelque bandit, embusqué derrière le vieil ormeau et tout prêt à faire feu sur elle. Pour mettre à la place qu’elle lui destinait, soit une carte de boutons de nacre, soit une guimbarde ou quelque autre article insignifiant, elle étendait dans toute leur longueur ses bras maigres et, ceci fait, rentrait à l’instant même dans les ténèbres, comme si elle eût voulu se dérober une fois pour toutes aux regards du monde. On eût pu croire qu’elle espérait satisfaire aux besoins de la petite cité, comme une divinité, sans corps, une enchanteresse aux mains invisibles ; mais elle ne se repaissait point d’une si flatteuse chimère. Hepzibah savait bien qu’il faudrait en définitive se mettre en avant, et se manifester dans toute son individualité ;