Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/326

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lonné, rattaché à la taille par une ceinture de cuir où pend son épée à poignée d’acier. Il lève les yeux vers le portrait, — vaine ombre contemplant son image peinte. Tout va bien. Le portrait n’a pas bougé. Longtemps après être devenu l’herbe qui recouvre sa fosse, l’ancêtre voit respecter encore la volonté que son cerveau a conçue. — Regardez ! — Il lève son impuissante main et tâche de soulever le cadre. Mais non ; le cadre est solide, tout va bien ! Est-ce pourtant un sourire, n’est-ce pas plutôt un froncement de sourcils équivalant à une menace de mort, qui obscurcit ainsi l’ombre de ses traits ? Le grand Colonel paraît mécontent. Il y a là quelque chose qui blesse, qui tourmente l’ancêtre des Pyncheon ! Avec un branlement de tête fort peu rassurant, il se détourne et s’en va dans un coin. Ses successeurs accourent à la file, une demi-douzaine de générations se pressant et se poussant du coude pour arriver jusqu’au portrait. Il y a là force vieillards et grands-mères, un ecclésiastique ; encore investi de toute la roideur puritaine, et un officier en uniforme rouge qui dut combattre les Français pendant la guerre de l’Indépendance ; — là se retrouvent aussi le Pyncheon négociant du siècle passé, portant les manchettes retroussées autour de ses poignets, et le gentleman poudré, à gilet de brocart, que nous avons vu figurer dans la Légende de l’artiste ; il donne le bras à la belle et pensive Alice, qui a laissé tout son orgueil au fond de la tombe où repose sa virginité. L’un après l’autre viennent tâter le grand cadre massif. — Que prétendent tous ces fantômes ? — Une mère soulève son enfant pour que les petites mains de ce dernier puissent atteindre au portrait. Il y a là, bien évidemment, un mystère