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guère ce qui peut vous faire préférer, à l’espèce de trône où siégent les chefs de l’État, le grand fauteuil de chêne où est mort votre bisaïeul… Levez-vous donc, levez-vous, gouverneur de Massachusetts !

Maintenant, il est trop tard… Le poisson est en lambeaux, les pommes de terre sont tièdes, les sauces figées ; les convives, avinés et joyeux, ont déjà renoncé au Juge, et, bien convaincus qu’il est passé avec armes et bagages dans le camp des Free-Soilers, ils vont choisir un autre candidat. Mais toute leur gaieté disparaîtrait à l’instant, si notre ami se glissait parmi eux avec ses yeux hagards et fixes, cette physionomie béante qu’il a maintenant. Aussi ne serait-il guère convenable au juge Pyncheon, ordinairement si soigné dans sa tenue, de se présenter dans un dîner avec cette tache pourpre sur le devant de sa chemise… Mais, au fait, comment se trouve-t-elle là ?… Elle y produit en somme un fort mauvais effet, et le Juge ferait très-sagement, boutonnant bien son habit sur sa poitrine, de demander sa voiture pour rentrer chez lui. Là, quand il aurait expédié un dîner sommaire et avalé un verre de grog, nous lui conseillerions de passer la soirée au coin du feu, — et, par parenthèse, il lui faudra longtemps exposer ses pantoufles aux rayons de l’âtre, pour se débarrasser du froid dont l’a, pour ainsi dire, imprégné l’air sépulcral de cette affreuse vieille maison.

Debout, juge Pyncheon, debout, il est temps ! Voici une journée perdue ; mais demain, vous vous remettrez à l’œuvre. Vous aurez à vous lever matin, pour vous rattraper. — Demain ! demain ! demain ! nous tous qui vivons, nous pourrons nous lever demain de bonne heure. — Quant à celui qui