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Pendant un moment, Hepzibah se demanda si Clifford, somme toute, ne pouvait pas être au courant, ainsi que, le Juge le pensait, de ce qu’était devenue la fortune de cet oncle défunt, si étrangement disparue à son décès. Elle se rappela quelques vagues insinuations, émanées de son frère, et qu’on pouvait à toute force interpréter en ce sens. C’étaient des plans de voyage et de résidence à l’étranger, de magnifiques châteaux en Espagne pour la vie qu’on mènerait au retour, — projets en l’air dont la réalisation aurait absorbé des sommes fabuleuses. Eût-elle possédé cette richesse, Hepzibah l’aurait sacrifiée bien volontiers pour obtenir de son inexorable cousin qu’il laissât Clifford jouir en paix de leur vieille maison solitaire. Mais elle n’avait jamais regardé les rêves de son frère que comme ces divagations de pensée auxquelles s’abandonne un petit enfant assis près de sa mère, alors qu’il arrange l’avenir au gré de sa mobile fantaisie.

En cette extrémité, ne devait-elle espérer aucun secours ? Ceci semblait bizarre, entourés comme ils l’étaient d’une cité populeuse. Rien de plus facile, évidemment, que d’ouvrir la fenêtre et de pousser une clameur dont l’appel désespéré ferait aussitôt accourir tous les voisins. Mais après ? pensait Hepzibah, s’étonnant de la fatalité ironique à laquelle son existence paraissait vouée. — Une assistance quelconque, venant de n’importe où, se mettrait inévitablement à la disposition du plus fort ! — L’énergie et le mal une fois combinés, sont investis, comme le fer électrisé, d’une attraction irrésistible. D’un côté le juge Pyncheon, ce riche philanthrope si haut placé, membre du congrès, champion de l’Église, en possession de l’estime publi-