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en elle chaque bâillement de son capricieux compagnon de souffrances.

Clifford, cependant, encore qu’il se fût refusé à descendre, finit par se mettre en quête de distractions. Dans le courant de la matinée, Hepzibah l’entendit promener ses doigts sur le vieux clavecin d’Alice Pyncheon. Son étonnement fut grand, bien qu’elle connût ses dispositions natives pour la musique, de voir qu’il jouait encore à merveille, après tant d’années où aucune occasion n’avait existé pour lui de cultiver un art si facile à oublier. Et cet instrument, muet depuis tant d’années, comment avait-il pu en tirer ces aériennes et plaintives mélodies ? Hepzibah ne put s’empêcher de songer à ces airs légendaires par lesquels la défunte Alice préludait, suivant une tradition populaire, au glas funèbre de chaque membre de la famille. Mais il est probable que les doigts sous lesquels gémissait le clavecin n’étaient pas ceux d’un fantôme, car, après quelques accords, les cordes vibrantes parurent se rompre, et la musique cessa.

Aux notes mystérieuses succéda un son de mauvais augure : c’était le tintement vulgaire de la clochette du magasin. Sur le seuil on entendit se traîner un pied pesant, qui fit aussitôt gémir le plancher sonore. Puis, pendant qu’Hepzibah s’enveloppait du châle fané qui depuis quarante ans lui servait de cuirasse contre le vent d’est, un autre bruit vint hâter sa toilette et la faire courir au-devant d’un danger imminent. Ce n’était ni une toux, ni un de ces grattements de gosier qui servent à éclaircir la voix, mais bien la contraction spasmodique d’une large poitrine et ses aspirations caverneuses. Hepzibah, dans son atti-