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gasin, où on prétendait que les regards de la vieille fille faisaient tourner la bière et endommageaient diverses autres marchandises sujettes à s’aigrir. Mais si le public avait à se plaindre, elle n’en était pas moins, vis-à-vis de Clifford, aussi tendre, aussi affectueuse que jamais. Par malheur, l’inutilité de ses efforts pour lui complaire semblait l’avoir paralysée à la longue. Elle ne savait guère que s’asseoir silencieusement à côté de lui et assombrir, en quelque sorte, le peu de jour que les rameaux mouillés du poirier laissaient arriver jusqu’aux étroites fenêtres. Du reste, il n’y avait pas de sa faute. Tout dans la maison avait le même aspect humide et glacé. Le portrait du Colonel puritain frissonnait sur le mur. La maison elle-même tremblait du haut en bas, — et des sept pointes de ses Pignons jusqu’à la grande cheminée de la cuisine où le feu ne s’allumait plus.

Quatre jours durant, en dépit de ce temps désastreux, Clifford, enveloppé dans un vieux manteau, vint occuper son grand fauteuil habituel. Mais dans la matinée du cinquième, invité à descendre pour le déjeuner, il ne répondit que par un murmure découragé, manifestant ainsi sa résolution de ne pas quitter le lit. Sa sœur n’essaya pas de réagir contre cette volonté bien arrêtée. Au fait, avec quelque dévouement qu’elle l’aimât, Hepzibah se sentait plier sous le rude travail, — si peu fait pour sa rigide nature, — de chercher des passe-temps à une intelligence comme celle de Clifford, sensible, mais débile, critique et dédaigneuse, sans force ni vouloir. Ce lui était un soulagement d’avoir froid toute seule, de s’ennuyer toute seule, et de se soustraire aux remords aigus qu’éveillait