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Tandis qu’un sourire affectueux se jouait au coin de sa jolie bouche, elle sentait ses yeux pleins de larmes ; elle s’étonnait intérieurement de l’affection qu’elle avait conçue pour ce triste séjour, et des regrets qu’elle emportait en le quittant. Comment cette austère Hepzibah, toujours silencieuse, toujours rebelle aux caresses, avait-elle fini par se faire tant aimer ? comment Clifford, cet être déchu, ce criminel mystérieux autour duquel semblait planer encore l’atmosphère close des prisons où il avait passé une partie de sa vie, comment s’était-il transformé pour Phœbé en un enfant naïf dont elle s’enorgueillissait d’être la Providence ? Au moment de la séparation, toutes ces idées se dégageaient nettement dans son esprit. L’espoir de retrouver bientôt les forêts de pins, les luzernes parfumées de la ferme paternelle, n’atténuait en rien l’ennui qu’elle éprouvait de quitter ce jardin envahi par des chardons séculaires. Elle appela le coq, ses deux épouses et le vénérable poulet, pour leur distribuer les miettes du déjeuner. Ce dernier, déployant ses ailes, vint lourdement se poser sur l’appui de la fenêtre, et regardant Phœbé avec une gravité solennelle, exprima par un cri rauque les émotions dont il était agité.

« Ah ! mon enfant, remarqua Hepzibah, votre sourire n’est plus aussi naturel que lorsque vous vîntes à nous ; l’éclat qu’il avait alors, vous le lui donnez aujourd’hui… C’est fort à propos que vous allez vous retremper pendant quelque temps au sein de l’air natal. Il existe ici trop de raisons de tristesse ; la vie qu’on y mène est trop ennuyeuse, et il n’est pas en moi d’apporter à ceci le moindre remède. Notre cher Clifford, en somme, a été votre unique consolation.