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l’effréné désir qu’avait conçu le vieux Puritain de créer, de doter une famille !… Créer une famille !… Cette idée est au fond de presque tout le mal commis par les hommes. Pour bien faire, il faudrait qu’à chaque demi-siècle, pour le plus tard, toute famille, perdue dans la masse obscure de l’Humanité, oubliât l’existence de ses ancêtres. Si l’on veut conserver sa pureté au sang des hommes, il importe qu’il circule dans des courants cachés, comme l’eau d’un aqueduc dans ses tuyaux souterrains… Et pour ces Pyncheon, par exemple, — pardonnez-moi, Phœbé, si je ne puis me contraindre à vous regarder comme une d’entre eux ! — voyez ce qui leur arrive : voyez combien il a fallu peu de temps, depuis la transplantation de leur souche nobiliaire sur le continent américain, pour leur donner, à tous et à chacun, quelque monomanie spéciale !

— Vous parlez de mes proches sans trop de cérémonie, dit Phœbé, qui débattait, à part elle-même, s’il fallait ou non se fâcher.

— Devant une intelligence loyale, je dis loyalement ce que je pense, répondit Holgrave, plus véhément que Phœbé ne l’avait jamais vu… Tout ce que je dis est vrai !… Mais de plus, l’homme à qui tous ces malheurs sont dus semble s’être perpétué lui-même, et vous le voyez chaque jour passer dans la rue, — son image, du moins, intellectuelle et physique, — avec les plus belles chances de transmettre à sa postérité tout autant de richesses, et tout autant de malheurs, qu’il en a hérité lui-même !… Vous rappelez-vous sa photographie, et comme elle ressemble au vieux portrait ?