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et répéter ses décisions. Les livres que nous lisons furent écrits par des morts. Nous rions des plaisanteries que nous envoie le tombeau ; nous pleurons des tirades pathétiques tracées pas une main de squelette !… Au physique et au moral, nous avons des maladies qui ont tué bien du monde, et nous mourons des mêmes remèdes à l’aide desquels les médecins défunts ont jadis expédié leurs clients, également défunts !… Nous adorons la divinité vivante suivant les rites et les dogmes, que des morts nous ont laissés !… Dans tout ce que nous cherchons à faire librement, nous rencontrons la main glacée d’un cadavre !… De quelque côté que nous tournions la tête, nos regards rencontrent la face blême d’un mort, et son impassible, son immuable physionomie nous glace le cœur !… Enfin, avant de commencer à exercer sur ce monde qui est notre domaine, l’influence à laquelle nous avons droit, il nous faut commencer par être mort ; et le monde alors n’est plus à nous, il appartient à une autre génération sur les destinées de laquelle nous ne pouvons revendiquer aucune ombre d’autorité… J’aurais dû dire, aussi, que nous habitons les maisons des morts ; et celle-ci, par exemple, la Maison aux Sept Pignons !

— Pourquoi non, interrompit Phœbé, aussi longtemps que nous nous y trouvons bien ?

— Mais, continua l’artiste, nous vivrons assez, je l’espère, pour voirie jour où aucun homme ne bâtira sa maison avec le dessein de la léguer à ses descendants… Quelle raison à ceci ?… Il serait tout aussi bien avisé, commandant un costume taillé dans l’étoffe la plus durable qui se puisse fabriquer, — cuir,