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Hepzibah si blême et si maigre, avec ses habits de soie fanés, ses jointures sans souplesse, ce triste froncement de sourcils qui lui jouait tant de tours, — disposée à faire de son mieux, et avec assez de tendresse pour suffire à vingt occasions pareilles ! Rien de plus touchant pour des âmes qui savent comprendre, — et le Ciel nous pardonne, si malgré nous un sourire se mêle parfois à l’idée que nous nous faisons de cette situation, — rien de plus touchant qu’Hepzibah telle qu’on eût pu la voir pendant cette première soirée, enveloppant Clifford de sa tendresse comme d’un vêtement ample et chaud, et faisant pour l’amuser de vains efforts, — pitoyables il est vrai, mais empreints d’une magnanimité réelle.

Se rappelant que jadis il aimait la poésie et les romans, elle ouvrit une bibliothèque et en retira divers ouvrages, jadis excellents, mais qui maintenant, sous leur reliure dédorée, recelaient des pensées d’un autre âge, sans couleur et sans parfum. Elle lui lut, entre autres, Rasselas et les chapitres consacrés à « l’heureuse Vallée, » avec cette arrière-pensée un peu vague qu’elle y trouverait, pour Clifford et pour elle-même, une recette de félicité. Mais sur « l’heureuse Vallée » planait un triste nuage, et d’ailleurs Hepzibah fatiguait l’oreille de son auditeur par un débit emphatique dont il notait au passage les innombrables bévues, sans s’inquiéter autrement de la lecture elle-même. La voix de sa sœur avait en outre contracté une sorte de croassement, familier aux longues tristesses, dont l’effet général est celui d’un organe qui a pris le deuil, le deuil de bien des espérances, — et qu’on voudrait voir mort et enterré avec elles.